Beaucoup de personnes décrivent la peur de la récidive comme une véritable “épée de Damoclès” : la crainte que le cancer revienne, qui pèse sur le quotidien, parfois sans être dite à l’entourage.

Dans la thèse, cette peur de la récidive est étudiée comme un déterminant central de la qualité de vie dans l’après-cancer, au même titre que le rapport au temps et l’intolérance à l’incertitude. Plus la peur de la récidive est élevée, plus il est difficile de se projeter sereinement dans l’avenir et de profiter du moment présent, ce qui se traduit par une qualité de vie globalement plus fragilisée.

Les travaux montrent aussi que cette peur est particulièrement forte chez les personnes plus jeunes et chez celles qui tolèrent moins bien l’incertitude, confirmant qu’il ne s’agit pas seulement d’une “angoisse vague”, mais d’un phénomène mesurable, avec de vrais effets sur le vécu quotidien (sommeil, humeur, projets, etc.).

Les séquelles physiques et psychiques persistent pour beaucoup : fatigue chronique, douleurs, cicatrices, modifications corporelles, troubles cognitifs (mémoire, concentration), anxiété…
Ces éléments, que les participantes évoquent très souvent, s’inscrivent dans ce que l’a thèse’étude décrit comme un impact de long terme sur tous les domaines de la vie (physique, émotionnel, social, professionnel).

Les analyses des chercheuses montrent que la qualité de vie ne se résume pas à l’absence de maladie, mais à un ensemble de dimensions : état physique, équilibre psychologique, autonomie, relations sociales, environnement, possibilités de se projeter. Plus les séquelles sont nombreuses ou envahissantes, plus les scores de qualité de vie sont altérés.

La fin des traitements ne suffit pas à clore l’histoire : beaucoup expriment le sentiment d’être dans un “entre-deux” — ni vraiment malade, ni vraiment “guéri·e”. Le retour à une “vie normale” n’est ni automatique, ni toujours possible. Les mots pour se définir (“en rémission”, “ancien·ne patient·e”, “survivant·e”) restent souvent flous, voire inconfortables.

Dans les résultats de l’étude, l’après-cancer est justement conceptualisé comme un temps de transition, où l’on réévalue ses priorités, ses projets, son rapport au temps (présent/futur) et à la santé. Certaines personnes recentrent leur vie sur “l’essentiel”, d’autres se sentent durablement en suspens. Là encore, ce n’est pas anecdotique : ce travail de redéfinition identitaire est au cœur des explications de la qualité de vie dans l’après-cancer.

Après la fin des traitements, vous êtes nombreux à évoquer un sentiment d’isolement : on passe d’un suivi médical très serré à un “vide” relationnel, alors que les peurs et les questions, elles, sont toujours là. Le soutien – qu’il vienne des proches, d’associations, de groupes en ligne, de patient·es partenaires ou de professionnels — apparaît comme un pilier central du vécu de l’après-cancer.

Les entretiens montrent que ce soutien permet de normaliser les émotions, de rompre la solitude, de partager des stratégies d’adaptation, et parfois de redonner du sens à l’épreuve traversée. À l’inverse, des conditions de vie plus précaires, un réseau social limité ou des expériences de stigmatisation rendent plus difficile la mise en place de comportements de santé et fragilisent la qualité de vie.

L’après-cancer ne se résume pas à un “après technique” des traitements. Les résultats de l’étude insistent sur une vision multidimensionnelle et psychosociale de la qualité de vie : ce qui compte, ce sont aussi les conditions de vie, les inégalités sociales, les représentations du temps, l’incertitude, les ressources psychologiques et sociales, et pas seulement les marqueurs biologiques.

Chaque parcours est unique : il n’y a pas de modèle universel à suivre. Sur le plan scientifique, c’est précisément pour cela que les chercheuses ont adopté une méthodologie mixte, combinant questionnaires standardisés et entretiens, afin de ne pas réduire l’après-cancer à quelques scores, mais de rendre compte aussi du sens que les personnes donnent à ce qu’elles vivent.

En pratique, tout cela plaide pour un accompagnement qui ne se limite pas au “médical pur”, mais qui laisse de la place à l’écoute, à l’ajustement individuel, et à la reconnaissance de cette période comme un véritable chapitre à part entière de la trajectoire de soin, et pas seulement une “sortie de protocole”.